A propos de l’écosystème planétaire (texte original annexé dans un rapport réalisé pour IRD 2009)

L’écosystème planétaire a des propriétés qui ne sont pas celles des écosystèmes qui le constituent, notamment parce que le système humain émergeant s'est différencié des écosystèmes naturels.  Mais au delà des questions de l'influence humaine sur la Biosphère, l'écosystème planétaire évolue et se complexifie depuis l'apparition de la Vie sous l'influence de mécanismes auto-organisés qu'il est intéressant de rappeler. (1) Le flux d'énergie solaire et les forces gravitationnelles de la Terre initient un climat mondial rythmé et structuré par des grands flux d'air et d'eau, d'éléments chimiques qui ne sont pas tous cycliques. Une grande part des flux de matière qui proviennent des écosystèmes superficiels et terrestres, par érosion,  sont séquestrés au fond des océans et ne sont recyclés que très lentement et partiellement (upwellings, tectonique des plaques, affleurements sédimentaires). (2) La stoechiométrie de l’environnement actuel (teneur en Oxygène, Carbone, Phosphore, Azote par exemple) dépend en grande partie des périodes biologiques anciennes et conditionnement la phénoménologie actuelle de la Vie. (3) La répartition des espèces et des écosystèmes à la surface de la Terre suit une organisation complexe acquise par l’évolution des organismes et des espèces mais aussi par leur assemblage en communautés d'espèces (faune et flore) qui constitutent et font évoluer les écosystèmes et les écocomplexes (paysages) régionalement. Il en résulte que la compréhension du fonctionnement des écosystèmes locaux dépend du modèle que l'on adopte pour comprendre la Biosphère entière, notamment depuis que l'humain est apparu. Actuellement, les dynamiques naturelles, auto-organisées, basées sur les communautés d'espèces animales et végétales sauvages côtoient des systèmes guidés ou asservis par les humains et leurs artéfacts domestiqués. La science écologique peine à nous proposer un modèle général de Biosphère qui intègre l'humain comme force et constituant d'une nouvelle forme d'évolution des systèmes vivants à toutes les échelles.
L’écosystème planétaire est un niveau efficace pour établir certains bilans comptables (écoénergétique) qu’il est difficile de déduire des observations aux méso et micro-échelles inférieures. L’Ecologie Industrielle a bien perçu cet avantage et ses théoriciens recommandent de faire référence à cette échelle pour poser les bases d’une évaluation efficace du « métabolisme » de l’économie humaine (Ayres & Simonis 1994, Socolow & al. 1994).

L’Homme, en tant qu’espèce vivante, fait évidemment partie de l’écosystème planétaire et s’inscrit dans le processus de Vie qui anime la surface de la Terre depuis environ 4 milliards d’années. Les premiers écosystèmes étaient constitués d’organismes peu complexes majoritairement monocellulaires et devaient fluctuer vigoureusement dans un environnement assez hostile. Plusieurs extinctions massives d’espèces ont eu lieu avant celle du jurassique qui correspondait à une période où la biomasse s’est fortement accumulée sur Terre, dans une atmosphère très riche en CO2 (30%, soit 1000 fois plus qu'aujourd'hui) et plus dense (pression atmosphérique à 2 bars). Dans ces conditions l’Homme n’aurait pu apparaître. Il a fallu une remise à niveau générale des écosystèmes, avec des espèces plus petites, un équilibre atmosphérique à moins de 0,05 % de CO2 et à 1 bar, protégé des rayons ultra violets et régulé à une température moyenne à moins de 15°C pour que l’hominisation ait lieu. En acquérant un cerveau développé, une pensée et les formes d’intelligence complexes que lui permet son cerveau, l’Homme est devenu une espèce à part. Il a su se doter de moyens exosomatiques très importants en moins de 80000 ans, et concevoir des machines, domestiquer des matériaux, des substances et des énergies non-disponibles avec les moyens habituels des animaux. Autour de chaque humain et sa communauté est né un écosystème émergent qui a échappé aux possibilités d’autoorganisation complexes basées sur les chaînes trophiques. Les Sociétés humaines se sont mises à combiner très tôt autour d’elles des ressources et des fonctions (services) des écosystèmes naturels autoorganisés, avec des objets, des mécanismes et des fonctions artificiels, prémédités, pilotées, asservies, domestiquées, dirigées. Le sens de cet asservissement des choses et de l’énergie dépend d’un ensemble de fonctions comportementales étudiées par les sciences humaines dont font partie l’anthropologie, la philosophie, les sciences politiques et l’économie (Julien & Rosselin 2005, Warnier 1999). L’Ecologie théorique s’est d’ailleurs intéressée très tôt à traduire les apports des sciences du comportement animal (éthologie) et des plantes (phyto-sociologie) pour décrire une « économie » des échanges entre les espèces dans les biocoenoses, puis leurs interactions dans les écosystèmes. Le système des Sociétés humaines doit donc être évalué sur des dimensions comme celles des métabolismes de ses activités et des écosystèmes qu’il exploite plutôt que sur des critères comportementaux assez secondaires que sont l’économie, le Droit, la politique ou le management de ses organisations. Néanmoins, une fois établis les critères de la « soutenabilité » des activités en termes « écologiques » (Ecologie Généralisée), il est possible de traduire dans des termes humains les « phénoménologies complexes » qui doivent faire évoluer « l’écosystème » des Sociétés humaines pour qu’il s’intègre à l’écosystème planétaire.

Les approches de l’écosystème planétaire en « sphères » (litho, atmo, hydro, géo, bio, anthropo) sont trop statiques et impropres à traduire les propriétés complexes des écosystèmes « locaux ». Le jeu des énergies auxiliaires et des interactions complexes sur une continuités d’échelles (écocomplexes) échappe à cette vision trop classique de l’Ecologie. Néanmoins, ces approches distinguent bien les systèmes « anthropiques » des systèmes naturels et insistent sur la pertinence d’une vision planétaire des grands flux et des grands équilibres. Elles ne peuvent cependant pas inspirer de principes pratiques articulant écologie et économie.

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