Idées : La "Green Economy" peut-elle être une transition vers une économie soutenable et responsable, de la prospérité pour tous.

La perspective d'une "green economy" (économie et croissance vertes) mobilise de plus en plus de gouvernements qui pourtant ne prenaient pas le développement durable pleinement au sérieux.
La "croissance verte" est définie comme la part des activités de production de biens et services dans la croissance classique (de la production ou PIB), qui ménagent, voire améliorent les conditions environnementales (voir par exemple "activités, emplois et métiers liés à la croissance verte : périmètres et résultats" Etudes et Documents, CGDD, n°43, juin 2011).  Les analyses actuelles sont pragmatiques et classent les activités vertes (et les métiers et emplois) selon qu'elles ont un effet "positif" (protecteur, réparateur, compensateur, modérateur...) direct, indirect ou induit sur l'environnement. Ces définitions permettent de placer un champ très large d'activités dont les "effets positifs" sont généralement discutables.
La grande politique à la mode de la "lutte contre le changement climatique" en rapport avec l'utilisation des énergies fossiles, tire les efforts des institutions et motive des arrières pensées opportunistes qui expliquent les grandes manoeuvres diplomatiques, d'ailleurs assez compréhensibles compte-tenu des tensions internationales. Mais, plus à court terme, l'humanité est menacée aussi par les questions de la diffusion des polluants chimiques, dans les rivières, les nappes, les océans et même les sols, avec des effets considérables sur la santé et la reproduction humaine (perturbateurs endocriniens). La préservation des écosystèmes et des grands équilibres vivants (biomasses et biodiversité) est une cause globale toute aussi pertinente. Peut-être plus tard ? Ces autres "entrées" dans le sujet très vaste du Développement Durable sont une autre façon, non moins sérieuse, de mobiliser les consciences et les initiatives. 
Est-ce que la croissance "verte" et l'économie qui la porterait prennent toute la mesure de ces enjeux et est-ce que le terme "vert", n'est pas une façon de masquer une carence du Développement Durable devenu trop global ?
Le terme "vert" est d'ailleurs un slogan des années 80 (les partis verts, le management vert, les produits verts...) qui s'était disqualifié par des approches trop élémentaires sur les critères de soutenabilité ou de conformité écologique ; allusion aux idéologies politiques (deep ecology, alternatifs) et aux abus du "green washing" qui détourne le sens des labels notamment dans le marketing,
Aujourd'hui, la croissance "verte" réssucitée, fait référence selon les contextes, à l'ensemble des technologies, activités et dispositifs censés aller dans le sens de ce que l'opinion retient de pertinent et d'acceptable du Développement Durable. Mais ces références souffrent de la subjectivité, de l'ignorance des développements scientifiques et des croyances de ceux qui déterminent ce qui est "bon pour l'environnement" dans les politiques (Etats) ou les marchés (entreprises). De plus, le terme "vert" n'intègre pas explicitement des questions, incontournables aujourd'hui, de gouvernance économique et politique, de finalité pour l'Homme (la question sociale), de responsabilité, d'assurabilité, de coût social, d'équité de la redistribution des richesses, de prospérité, d'intelligence collective... Or ces dimensions apparaissent comme des conditions pour que l'économie change et que les objectifs "verts" puissent être atteints.
En terme économique, la croissance verte ne met pas en cause la logique de production et réduit celle des services aux services marchands qui vendent les procédés, substances et matériels de la machine productive. Pourtant, il est démontré aujourd'hui que la logique de production "aveugle" devra évoluer en rencontrant la logique de consommation afin d'ajuster les moyens et la finalité, de rendre les systèmes efficaces et d'éliminer les produits ou services dont la conception et l'utilité (utilité globale pour la Société) ne sont pas démontrées. La croissance verte fait indifféremment la promotion d'activités qui portent l'économie "soutenable environnementalement" (soutenabilité forte) et d'activités "vertes" qui comportent des effets pervers ou un mauvais bilan  (soutenabilité faible). Sans une théorie de l'économie "verte", la croissance "verte" ne sera que le faire valoir de l'économie classique et les espoirs seront déçus. Le qualificatif de "vert" censé être vertueux, cache des non-sens sur le basculement effectif et significatif des économies des pays et de toute l'économie mondiale, en volume et en qualité, dans la soutenabilité et les responsabilité. Les limites d'une économie "verte" comme accessoire de l'économie classique sont multiples  et correspondent à ce qui a été défini sur la logique de soutenabilité faible ; les effets "rebond",  les effets alibi et image (non-significatifs mais labellisants), les ignorances sur l'écologie scientifique et les propriétés des systèmes complexes, l'application d'ingénieries inadaptées, les négligeances sur les objectifs vitaux (pollution-santé, changements globaux, biodiversité, ressources renouvelables mal gérées). Or les économistes hétérodoxes dénoncent depuis près de trente ans les illusions d'une soutenabilité faible qui ne serait pas relayée par un changement des mécanismes classiques qui ont rendu l'économie non-soutenable et si peu responsable. L'économie verte a peu de sens sauf si on lui donne les objectifs "soutenable et responsable". Un tri doit être fait dans les technologies éligibles, dans l'organisation des filières et dans les modes de consommation (y compris traitement des déchets et émissions). 
La crédibilité de la "croissance verte", considérée comme transition vers une économie globalement soutenable et responsable, repose sur l'évaluation environnementale et économique que l'on fait des filières qualifiées de vertes. Or la confusion domine actuellement du fait que les évaluations sérieusement menées sont encore rares, surtout dans les entreprises, les banques d'investissement ou les pays "résistants" (économies libérales ou de dumping) qui veulent faire bonne figure sur le plan international (greenwashing, lobbying de désinformation, politiques arangeantes pour les industries). Les exemples sont nombreux aujourd'hui, car dénoncés par des études quantitatives qui étaient impossibles il y a encore dix ans. Ce sont les controverses sur les biocarburants fabriqués au Brésil ou en Asie (Huile de palme) et incorporés dans les carburants en Europe au motif de lutter contre l'effet de serre ou d'économiser du pétrole, ce qui est fallacieux. Ce sont les controverses sur les productions agricoles intensives "raisonnées", la chimie "responsable", le devenir des matériaux ou substances bio-dégradables, les voitures électriques, le principe du reboisement quand il est monospécifique et intensif, etc...
Et finalement, bien que crédités de sérieux et de professionnalisme, les banques, les officines de la finance, les multinationales, les agences publiques de développement n'ont pas intégré les comptabilités "éco-énergétiques" et leur interprétation (Analyses de Cycle de Vie par exemple) pour évaluer et guider les investissements. Etant donné le poids aujourd'hui des marchés financiers dans l'économie, il n'est donc pas étonnant que la confusion règne et que la mutation de l'économie vers plus de soutenabilité et de responsabilité ne se fasse pas.
La croissance verte est une notion qui se veut compréhensible par tous, mais en restant assez floue sur le niveau des objectifs de soutenabilité et pire encore de responsabilité (comprendre assurabilité en coût social), rien n'est dit sur son efficacité à modifier significativement l'économie classique, dont on peut établir qu'elle n'est pas soutenable et tellement peu responsable (sociétalement). Le recours au terme "vert", devenu pourtant évident, cache la faiblesse du terme "développement durable" pour inspirer le "Management des Transitions vers la Soutenabilité". Les trajectoires de transition sont faites de compromis et de patience, et ce qui compte est d'avoir un cap. Définir les critères de soutenabilité de l'économie, les paramètres de la prospérité ou de la finalité pour les humains suppose à la fois de tirer la leçon de ce qui ne marche pas du passé et de définir ce qui suffirait pour que les situations aillent mieux. Ces critères ne peuvent dépendre que de spécialistes ou de scientifiques car tout diagnostic dépend du point de vue que l'on choisit. Devant la puissance des idéologies économiques classiques pourtant en défaillance visible depuis 2007, les promoteurs du Développement Durable envisagent des caps ou bien trop timides ou bien en réaction épidermique, ce qui les cantonne finalement dans le même raisonnement classique. Pourtant, il apparaît aujourd'hui que des modèles de Développement Durable de deuxième génération sont nécessaires et possibles pour repenser les caps et les trajectoires, en changeant radicalement de points de vue et de logiques de pensée. Cette théorie de l'action n'existe pas encore car les principes de la soutenabilité environnementale et sociale et la responsabilité sociétale supposent que le diagnostic du besoin de changer soit partagé. L'époque est intéressante car des théories nouvelles de l'Ecologie, de l'Economie et de la Philosophie de "comment entrer en symbiose avec la Biosphère ?" vont devoir être formulées d'urgence pour donner enfin son sens au Développement Durable. Pour l'instant, on se contente de quelques exemples emblématiques, quelques idéologies ou postures en réaction et de nombreuses mesurettes... sans cap. La croissance verte et son économie n'en n'ont pas non plus, sauf de résoudre l'approvisionnement en énergies, de réduire les maladies dues à l'environnement pour préserver les systèmes d'assurance de la santé et de donner de nouvelles opportunités de business (croissance) dans une économie à bout de souffle. Est-ce le bon cap ?

Croissance verte ne signifie pas "économie verte" ; dans le premier cas on est plutot dans les politiques de relance et les approches sectorielles, dans le deuxième, on suggère une performance globale de l'économie en soutenabilité environnementale, voire écologique.  Mais de quelle écologie parle-t-on ? S'agit-il de séparer hermétiquement les activités artificielles humaines, de la Nature afin de la préserver ? ou de domestiquer totalement la Biosphère en prenant le risque de "couper" le processus complexe de la Vie ? ou encore, peut-on envisager une symbiose ou plus modestement un partenariat qui préserve l'un et l'autre ? Dans tous les cas, se pose la question sociale de l'Homme, du sens et de la finalité de l'économie et du sens des modifications acceptables de la Biosphère. Jusqu'à maintenant, les forces de sélection naturelle "décidaient" ce qui doit disparaître ou s'adapter. Mais l'Homme s'affranchit partiellement de ces forces et doit décider seul de comment se maintenir dans le processus de Vie malgré la tentation que donnent les technologies à les utiliser sans but. On ne peut pas limiter le débat (comme le terme désuet de "vert" le suggère) à rendre l'économie actuelle assez propre et riche en énergies pour qu'elle n'intoxique pas la Biosphère alors que la Société humaine croit et se développe. L'organisation humaine (les patterns de distribution et d'activité) a un impact sur l'écologie (au sens de l'écosystème) de la planète. Or la dimension "verte" ne dit pas ce qu'elle fait du social et des responsabilités de l'ensemble de la Société. Si la responsabilité sociétale prend en compte les coûts sociaux, généralement cachés (ou considérés comme "externes" à l'économie monétarisée), alors la croissance, puis l'économie "vertes" ne disent pas si elles considèrent mieux que l'économie classique, l'assurabilité des activités et l'emploi des dividendes d'une économie relancée. En théorie, on peut dire que l'économie verte réduit certains risques sur l'environnement humain, mais pas nécessairement sur la préservation du "capital naturel hérité du passé" dont nous ne percevons pas encore l'utilité vitale sauf par des considérations morales ou culturelles (la biodiversité, les écosystèmes et espaces naturels). Tout est question de performance globale de l'économie et pas seulement de quelques activités sectorielles. Les politiques de transition pour la soutenabilité de l'économie sont néanmoins affaire de trajectoire de l'économie classique non-soutenable et peu responsable, vers une économie soutenable et responsable significativement et globalement. A ce jeu de la performance globale, on peut considérer que les politiques de "soutenabilité faible" ne peuvent améliorer significativement leur responsablité sociétale, les rendant peu réalisables (elles restent dans les performances de l'économie classique). Un certain nombre de trajectoires de transition sont illusoires dans leurs effets à long terme car elles actionnent les mauvais leviers en ménageant l'économie classique et son manque de régulation.

Le développement de technologies et de services "verts" fait donc partie du Management pour la Transition vers la Soutenabilité (MTS) mais se heurte déjà aux structures fondamentales du commerce, de la finance, de la consommation, des multinationales dominantes, des régulations et de la fiscalité des Etats, autant dire de toute l'économie. Le MTS doit aboutir progressivement à faire disparaître les activités et les régulations qui pénalisent la transition vers la soutenabilité de l'économie. Les promoteurs de l'économie verte sous-estiment ce pilotage nécessaire, et brandissent la croissance verte comme une trouvaille pour la relance de la production alors qu'il faudra repenser la consommation et les services. Sur ces stratégies, les "anciens" affichent l'arrogance de ceux qui ne veulent pas perdre la face, qui veulent garder le pouvoir et même s'approprier la paternité de la mutation. Mais en citant Einstein, on ne résoud pas un problème avec les mêmes modes de pensée que ceux qui l'ont créé. Il faudra former et recruter d'autres "architectes" pour gérer le MTS que ceux qui ont façonné l'économie ancienne. Cela pose la question de la formation supérieure des ingénieurs, des managers et des hauts fonctionnaires, particulièrement en France. La mutation pour une économie soutenable et responsable doit rompre avec les logiques anciennes.
La stratégie industrielle de ceux qui tentent de faire rebondir leur économie par le "business vert" est encore floue car mal définie en termes de création de valeur, de réorganisations de filières et marchés existants, ou encore des politiques d'accompagnement (fiscalité, financement de l'innovation, subventions, formation et recherche...). Les mesurettes dominent et s'essoufflent notamment dans les pays politiquement timorés comme la France. Le système essaye de faire cohabiter des activités peu performantes mais dominantes avec des activités innovantes mais encore marginales en volume, sans changer les facteurs de compétition (jeux stratégiques de marchés, réglementations radicales, interdiction plutot que taxes, stratégies par les coûts versus gamme, découplages...).
Les crises des pays riches ouvrent l'opportunité  de prendre au développement durable les concepts opérationnels qui semblent pouvoir générer de nouveaux business profitables et à haut potentiel de croissance de l'activité. Du point de vue des autorités publiques, la "green economy" doit permettre :
• aux entreprises de lancer de nouveaux marchés créateurs d'emploi et de valeur sur de nouvelles technologies (dites vertes) sans présumer de leur avantage concurrentiel dans le jeu habituel, 
• aux Etats de réduire les coûts sociaux de la production et de la consommation, de réduire les dépendances aux ressources importées (balance import-export) et de percevoir des taxes,
• aux blocs économiques unifiés par des systèmes politiques de régulation (institutions supra nationales) d'imposer des standards sociaux et environnementaux de plus en plus élevés dans le commerce international ou dresser des barrières d'accès à ceux qui prétendent pénétrer les marchés intérieurs.
En fait de "verte", cette économie reste floue sur la portée écologique (sens scientifique) des efforts qui vont être consentis dans le sens de définir un partenariat viable à long terme avec la Biosphère et les conditions de la Vie sur Terre. Ce sont des intérêts stratégiques assez classiques du commerce, de la finance et des sécurités nationales ou régionales qui motivent les gouvernements à s'y intéresser, plus que les grands desseins initiaux du développement durable/soutenable tant les porteurs de ce projet sont ignorants des enjeux de la soutenabilité des activités humaines et de la responsabilité sociétale. Or dans ses développements opérationnels les plus récents, le concept de "soutenabilité" a pour essence d'inspirer de nouvelles  logiques de consommation et donc de production en adoptant un nouveau moteur de croissance et de prospérité (new growth engine de R. U. Ayres, 2009). La guerre des monnaies (premier des protectionnismes) qui oppose en ce moment les Etats-Unis, l'Europe et les pays émergents, particulièrement la Chine, réduit la croissance "verte" à un ajustement des politiques protectionistes sur les échanges de ressources naturelles et de biens manufacturés de la part des uns, à des gains de compétitivité de la part des autres, et à des économies d'énergie et de matières premières de la part de tous. Mais les logiques de consommation ne changent pas ; incidemment les logiques de production non-plus. Et dans ce jeu, les entreprises classiques, notamment multinationales ont la main. La "green economy" (économie ou croissance vertes) est l'un des trois thèmes majeur du G20, mais il n'est pas prévu de mettre en cause les mécanismes de marché internationaux et de régulation qui la brident.
Le développement durable/soutenable a révélé les faiblesses des principes de l'économie et du Droit, mais n'a pas proposé de cadres de remplacement. Les fondamentaux de l'économie de marché, capitaliste, libre-échangiste et largement financiarisée sont à compléter de dimensions nouvelles pour que l'économie verte puisse avoir une portée et tenir ses promesses dans la crise qui est en cours. Parvenir à une meilleure utilisation des ressources et une comptabilité plus large des performances des activités (étendues à l'environnement, le social et une certaine responsabilité devant les risques) pour finalement, ne faire que préserver la production aveugle et non-soutenable, escamote l'essentiel des potentialités de mutation de l'économie de marché de trouver sa dynamique de long terme.
La croissance (de Production) est un indicateur devenu pervers dans une économie mâture qui assure une certaine prospérité à ses habitants, car il est concevable que la production nécessaire et suffisante pour entretenir le développement se stabilise (croissance faible ou nulle) en même temps que se développent les services et la consommation de biens immatériels. Ni les politiques monétaires, fiscales et de dépenses publiques (fonctionnement de l'Etat), ni les régulations des marchés et des entreprises ne sont actuellement en mesure de tenir la prospérité d'un pays développé en applicant les objectifs de développement durable/soutenable associés à une croissance faible.  Pourtant, les ressources étant limitées, les populations des pays riches se stabilisant, une mutation vertueuse devrait se faire naturellement vers une économie de consommation sobre et d'information (connaissance). Ce paradoxe pose le problème d'une réforme en profondeur de l'économie (politique), des régulations des activités (notamment des entreprises et des marchés) et des promesses de prospérité (opulence matérielle, bien-être, activités des individus...). L'un des rapports les plus  médiatisé sur ces développements avancés a été publié en 2009 par le gouvernement britannique ("Prosperity without growth", Tim Jackson & SDC-UK, 2009, http://www.sd-commission.org.uk/.../prosperity_without_growth_report.pdf). Au même moment et plus confidentiellement, un développement approfondi du rôle de l'énergie (exergie) dans les modèles de croissance économique a été proposé par R.U. Ayres et B. Warr en 2009 (Modèle dit "Ayres-Warr"). Il est la base d'une remise en cause féconde des fondements de l'économie moderne par le biais des fonctions de production et des dynamiques macroéconomiques, ce qui manquait aux promoteurs du concept somme toute empirique du "développement durable" des années 90, malgré l'oeuvre de pionniers tels N. Georgescu-Roegen dans les années 1970.
Les indicateurs économiques qui inspirent les responsables politiques passent au rouge dès qu'un pays ne se met pas au rythme du commerce, de la finance et de la production industrielle mondiales, "globalisation" oblige. Dans ce jeu, les pays développés et riches dont la monnaie est forte et qui se spécialisent dans les services à la consommation sont vulnérables, tout comme le sont, toutes proportions gardées, les pays très pauvres sans ressources naturelles industrialisables. Les uns et les autres connaissent des chocs et des crises de ne rien avoir à vendre.
Pourtant, tout le monde a encore intérêt à ce que l'Europe et les Etats-Unis (plus le Japon) continuent à consommer selon l'ancien modèle (non-soutenable) et à être riches. Sans cette demande considérable et solvable, l'économie mondiale s'arrêterait pour tout le monde. Or l'Europe et les Etats-Unis, bien que premiers marchés en valeur, n'ont pas encore trouvé le modèle de prospérité qui s'affranchirait de la croissance effrénée de la production matérielle donc de la consommation de ressources limitées et  de la dégradation des conditions de la vie. Les moyens des Etats les plus riches sont même structurellement en déclin compte-tenu des règles comptables de la richesse économique et du financement du secteur public. Ceci est d'autant plus critique que dans le système politico-financier hérité du passé, les Etats doivent assurer l'inassurable que sont les dommages occasionnés par les industries "à risques" que sont la banque spéculative (la "Finance"), l'exploitation des énergies fossiles (climat) et nucléaire, la chimie toxique, l'agriculture industrielle, etc... La crise actuelle montre que les ressources financières des Etats ne couvrent qu'à peine les dommages au fur et à mesure qu'ils se révèlent. Pourtant, les profits des entreprises financiarisées, généralement multinationales ont augmenté plus vite que le PIB mondial depuis 20 ans. L'économie classique, non responsable suit l'adage "commonize costs, privatize profits (CCPP)". Cette irresponsabilité empêchera de récolter les fruits de la croissance verte et rendra l'économie verte mensongère.
Aborder la définition d'une transition d'une économie non-soutenable à une économie soutenable, par la dimension "écologique" ou environnementale ("verte") n'est pas très opérationnel si cette transition ne s'accompagne pas d'une rupture sur les principes économiques et de régulation (politiques) qui structurent le commerce, les spéculations, les approvisionnements, les sensations de bien-être, les marchés...  Plus encore, le jeu de dupe qu'entretiennent les marchés et la vie des institutions est irresponsable et place l'individu-citoyen-contribuable-travailleur à la fois comme consommateur final, victime et assureur du système. Pourtant, en théorie, des formes complexes d'organisation du commerce et des institutions peuvent transformer le système économique en partenariats "gagnant-gagnant", responsable sociétalement car compatible avec les conditions écologiques de la Vie (survie de l'humanité) pour une prospérité ajustée aux inégalités de ressources locale-régionales et aux cultures. La fin de la globalisation de l'économie monétarisée uniforme ?
En Mai 2012, la Banque Mondiale a publié un rapport sur ces sujets ("Inclusive green growth: the pathway to sustainable development" World Bank, May 2012) mais il fait déjà controverse. En effet, les modèles présentés, les exemples et les outils proposés pour convaincre restent fortement marqués par la définition initiale du développement durable (les trois piliers) dont on sait qu'elle souffre de confusions de niveaux logiques sur ses piliers et surtout de laisser une trop grande part aux logiques de marchés et de régulation classique, dont on connaît les défaillances depuis 2007. Les modèles macroéconomiques ne proposent pas de rupture de conception des échanges économiques, même si les concepts à la mode que sont la diversification énergétique, l'efficacité énergétique, le recyclage et l'éco-conception, les substitutions et autres consommation durable, sont brandis comme des clés du changement. Cependant, avec lucidité, la croissance verte et supposément son économie sont proposées comme une transition vers le développement durable, sans dire si ce dernier est une autre forme d'économie, une adaptation de l'ancienne ou un idéal utopique. Les trajectoires de transition suggérées par le rapport (pathway to) sont relativement normées et alimentées de trop peu d'alternatives. Des progrès sont à faire pour sortir de la logique technicienne (ingénieurs et économistes) pour une approche politique, sociale et probablement écologique à condition de la redéfinir. La technologie va-t-elle nous sauver en créant des emplois et en ne détruisant pas trop des anciens ? Ou bien faut-il aller plus loin, en reformulant les caps de la prospérité, de l'équité, des échanges (commerce et autres), des rapports de force compétitifs, des jeux contre-intuitifs où plus on jour, plus tout le monde gagne ?
Ceux qui entretiennent la promotion d'une "green economy" auprès des Etats risquent de provoquer une vague de spéculations et d'investissements affairistes à courte vue qui conduiraient à des bulles dont l'éclatement est décevant et contre productif, car les rescapés ne peuvent qu'appartenir à l'économie "non-soutenable et irresponsable sociétalement". Pour éviter cela, les Etats doivent accompagner leurs actions de changements structurels de nature à marquer durablement et significativement les environnements d'affaire sur le long terme, à favoriser les vrais innovants (soutenabilité forte et responsabilité sociétale) et pénaliser les résistants au changement, même s'ils sont gros et influents. Plutôt que de s'appliquer à des secteurs (énergie, alimentation, santé, écosystèmes...), les changements doivent pointer "de nouvelles logiques" d'exploitation et de consommation, de services en performance étendue, de finalité sur moyens, de fonctionalités sur production, etc... de nature à restructurer les filières d'approvisionnement et la répartition de valeur (formation des prix). Sans cela, le jeu de dupe continuera au détriment des plus pauvres et des Etats.


(en construction)

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