Observation sur les courants scientifiques récents de l'Ecologie

Plusieurs courants anglo-saxons en économie des ressources et de l’environnement et en ingénierie industrielle ont proposé deux concepts-clés de la « durabilité/soutenabilité » des activités humaines : l’Ecologie Industrielle (EI) et l’Economie Ecologique (ou Eco-Economie, ou EE). Le travail du physicien-économiste Nicolas Georgescu-Roegen (Georgescu-Roegen 1971) a été déterminant pour consacrer ces disciplines en établissant les bases bio-physiques de l’économie à partir de la thermodynamique.
Sous l’impulsion du danois Sven Jorgensen (Jorgensen & Müller 2000), des spécialistes de l’éco-énergétique ont été réunis pour proposer une redéfinition des systèmes écologiques sous l’éclairage des théories de la complexité, de la thermodynamique des systèmes dissipatifs auto-organisés en non-équilibre. Une « Nouvelle Ecologie » a été proposée pour corriger les positions classiques sur la structure, le fonctionnement et l’évolution des écosystèmes notamment les fondamentaux énoncés par Eugene Odum dans les années 60 (Odum 1971). Les auteurs mettent en avant des critères généraux pour évaluer les écosystèmes et les mécanismes de sélection des espèces et de régulation de la biomasse, mais ils négligent de resituer systématiquement les concepts classiques dans leur nouvelle perspective.
Serge Frontier en France (Frontier 1999, Frontier et al. 2008) a su intégrer l’essentiel de la « nouvelle écologie » dans la théorie classique. Il a même avancé quelques principes très prometteurs pour traduire dans des termes plus pratiques les développements des auteurs éco-énergéticiens réunis par Sven Jorgensen. Parmi ces principes, citons le rôle des énergies auxiliaires dans les écosystèmes, les relations entre écosystème exploitant et exploité, la nature des effets de l’Homme sur l’écosystème planétaire par les énergies et biomasses auxiliaires et enfin un principe d’Ecologie Généralisée qui propose une théorie revisitée de l’organisation de l’écosystème planétaire avec l’Homme.
Pourtant, aucun des auteurs en écologie théorique n’intègre les développements de l’Ecologie Industrielle et inversement, les penseurs de l’Ecologie Industrielle et de l’Economie Ecologique déforment la notion d’écosystème en privilégiant les métaphores pour rapprocher économie et écologie. L’Ecologie Généralisée a été pensée avec un principe unificateur tout à fait louable, mais de nombreuses incohérences théoriques plaident pour considérer les « écosystèmes » dirigés par l’Homme comme différents sur le plan des forces de leur organisation et de leur évolution. Les humains ont des intentions, des cultures et des manières de concevoir et d’asservir les machines qui n’ont pas d’équivalent dans la nature. Des espèces-ingénieurs (termites, espèces creusant des galeries…) existent dans les écosystèmes naturels et transforment l’environnement, mais elles entretiennent une forte interaction avec les espèces de leur écosystème et subissent des forces de sélection à travers leur métabolisme.
L'Homme est une espèce capable de domestiquer les matériaux, les procédés, les organismes et les énergies. Les systèmes de vie des sociétés humaines sont émergeants et partiellement affranchis des forces évolutives des écosystèmes naturels. Le métabolisme corporel asservit un système d'outils, de machines, d'accessoires domestiques dont on peut calculer le métabolisme. Les humains mobilisent des moyens qui dépassent largement ceux des espèces animales et végétales qui participent aux écosystèmes naturels.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Les nouveaux enjeux de l'aide au développement consentie par les pays à hauts revenus et émergents envers les pays les moins avancés.

Le management de la RSE va devoir clarifier ses objectifs de "soutenabilité", sa portée vraiment stratégique pour les entreprises et les opportunités ouvertes par les nouvelles politiques publiques.

Réforme du capitalisme : perspective d'une "nouvelle économie écologique", mais le lien entre écologie et économie passe par une redéfinition des intentions du développement durable (soutenabilité et responsabilité).